Ce matin, appareil photo sous le bras, je pars pour Paris à la chasse aux graffitis, aux inscriptions poétiques, aux dessins, et aux fresques ornant les murs de la capitale. Quelque chose ne va pas en ce début de matinée, une sourde angoisse m’envahi. Je m’égare en sortant du métro… Respiration profonde, je me détends.

Place de la République, quelques skateurs tentent des figures acrobatiques sans grand succès. la ville est morne. Je trouve le bon itinéraire, commence à remonter la rue Oberkampf, puis longe un salon de coiffure pour hommes intitulé « Les mauvais garçons. » Voici un vilain présage de plus, l’inquiétude plane. Que faire ? Rebrousser chemin et renoncer ? Revenir un autre jour ? Je décide de continuer.

A l’angle de la rue Parmentier, un jeune homme pose sa main sur mon épaule. Il marmonne un nom me demandant si je connais cette personne. Je lui fais répéter en vain. Commence alors un drôle de pas de danse, une sorte de tango corps à corps où il essaie de me faire chuter par une balayette. Je résiste, nous dansons sur le bitume. Je finis par me dégager et par le repousser tout en le menaçant verbalement très vertement. Je ne ressens aucune peur même si le danger est palpable.

Mon danseur s’éloigne un peu, silencieux, puis en un éclair fait volte-face, fonce sur moi et m’arrache ma chaine de cou. Dépassant l’effet de surprise, la lutte reprend, je serre et tord ses poignets en tous sens pour lui faire lâcher son butin. Il se débat vivement, se tortille comme une anguille, finit par échapper à mon emprise et file en courant.

Le temps de sidération passé, je me lance à sa poursuite.

Le voleur s’engouffre dans la bouche de métro.

Je cours en hurlant « au voleur », avale les marches quatre à quatre à ses trousses.

Je m’époumone, la course est rude. Malgré mes cris, personne hélas ne lui barre la route.

La chasse continue, je ne lâche pas.

Je perds un temps précieux à trouver un ticket de métro pour franchir le portillon. La lumière blafarde éclaire les quais où patientent des voyageurs peu nombreux…

Il n’est pas là.

Dépité, je me dirige vers la sortie et reprends mon souffle. Une femme m’indique alors d’une voix chantante qu’il vient de remonter. La course reprend.

Je songe à Nougaro : lui courait sous la pluie à la recherche de son amour… La chanson qui défile dans ma tête rythme ma foulée.

Je remonte au plus vite les escaliers bien que je sache que j’ai perdu la partie. En effet, sorti du métro, j’aperçois loin devant, en direction de Belleville, le jeune homme qui s’enfuit puis disparait.

Me voilà seul, triste et en colère. Je prends à nouveau mon souffle.

Butin du voleur : une chaine de cou et une médaille représentant l’ange Gabriel toute mâchouillée à mon plus jeune âge. Voilà un peu d’enfance qui s’enfuit. Je suis impressionné par la stratégie, l’habileté et la dextérité du voleur.

Maigre consolation, l’artiste a perdu au cours de la lutte sa casquette Gucci que j’ai récupérée. Petite victoire dérisoire, maigre trophée, le voici sans couvre chef. L’usure du ruban intérieur me fait penser qu’il y était peut-être attaché. Le voilà donc décoiffé, son style entamé !

On se console comme on peut.

Je réalise que je suis vulnérable. Heureusement, j’ai gardé mon appareil photo dissimulé à l’intérieur de mon blouson.

Le coup de grâce intervient lorsque je monte dans le métro pour rentrer chez moi. Le wagon est bondé. un homme assis se lève et me propose sa place. Ai-je l’air si désespéré, si épuisé ? A-t-il été témoin de la scène et m’invite-t-il simplement à me reposer? Suis-je perçu comme un vieillard ? J’ignore la vérité, je décline la proposition et reste debout, digne.

Je finis par sourire de mon aventure. Je rentre bredouille , sans photos, mais avec cette petite histoire de rue à vous conter.

Moralité : une main posée sur l’épaule ne révèle pas toujours un signe de bienveillance.

Mais où sont les anges de Vim Wenders ?