En ces temps-là, le développement du progrès humain sur la terre aboutissait à la disparition des espèces sauvages.
La mer avait été radicalement vidée : plus un seul poisson sauvage ; les fermes piscicoles avaient prit le relais pour nourrir l’humanité. Les scientifiques désespéraient de pouvoir un jour relancer une reproduction sauvage. Les espèces étaient domestiquées, incapables de se nourrir et de procréer dans les espaces naturels. La chaîne alimentaire brisée n’était pas restaurée. Les générations humaines se délectaient de ces poissons d’élevage gros et gras. Seuls quelques anciens gardaient précieusement en bouche le goût des dorades, pageots, bars, sardines, thons… des pêches ancestrales.
Pietro vivait à Monte rosso depuis toujours. Cinq générations de pêcheurs puis d’agriculteurs s’étaient succédées. La culture des vignes et des oliveraies permettait de vivre.
Pietro aimait profondément cette terre plongeant dans la mer. Après des journées harassantes dans les cultures, il restait des heures à contempler la mer et l’horizon lointain.
Depuis l’enfance Pietro adorait se faire lécher les pieds par les vagues venues mourir sur la plage. Les bulles d’air qui s’insinuaient entre ses orteils le fascinaient. Cette année, la production d’olives s’annonçait abondante et de belle qualité, les vignes se gorgeaient de soleil. C’était l’été.
Une première sensation étrange apparut dans le ventre de Pietro. Comme une pesanteur, une douleur sourde irradiait vers son bas-ventre. Pietro était en bonne santé, un solide gaillard. Jamais pareil trouble ne l’avait atteint.
Pietro ne prêta guère d’attention à ces manifestations, ça irait mieux demain……
Le mal progressait, un picotement léger mêlé de fourmillement envahissait sa virilité. Etonné, surpris, Pietro examina son membre : il semblait gonflé vers l’avant. Quatre pointes émergeaient sur les parties ventrales et latérales du pilon. Un trait plissement en marquait la face dorsale. Pietro, curieux, n’avait jamais ressenti ni vu chose pareille.
C’était bien différent d’une érection. Pietro voulait poursuivre l’expérience.
Le jour suivant, les troubles progressèrent encore : son sexe se transformait.
Pietro n’était pas effrayé, il sentait confusément qu’une chose extraordinaire lui arrivait. La douleur était jusque-là supportable, la curiosité était la plus forte.
La base du sexe se resserrait étrangement. Les pointes ventrales et latérales dépassaient nettement maintenant, s’aplatissant comme de jolies petites ailes irisées. Sur la face dorsale du membre le plissement s’érigeait, s’affinant au fur et à mesure. Le dos se colorait en gris bleu. Une tache dorée surgit en avant, une tache noire bordait l’opercule.
Pietro constatait que ce dard commençait à bouger et à battre en tous sens.
Le soir venu, il comprit d’instinct qu’il fallait d’urgence se rendre à la plage.
Tout son corps vibrait, sa culotte était prise de soubresauts.
Il fallait faire vite.
Arrivé à la plage, Pietro se déshabilla très rapidement.
La nuit était calme et douce.
La lune montante éclairait les flots.
Pietro entra dans l’eau. Son épée bataillait de plus en plus violemment.
Nul doute, il y avait de la vie là-dedans !
Pietro n’en croyait pas ses yeux. Une violente douleur le saisit, l’animal se débattait donnant de grands coups de queue pour se détacher du pubis.
Il était prêt pour la grande aventure.
Pietro lui donna une caresse sur le ventre et le libera d’un coup.
Une magnifique dorade royale s’élançait dans la mer.
Epuisé Pietro s’écroula sur le rivage. Après quelques heures d’inconscience, l’angoisse le prit.
« Mon sexe, où est mon sexe ? »
Après examen, il se rassura aussitôt, un nouveau roseau poussait entre ses jambes.
De semaines en semaines, de mois en mois, d’années en années, Pietro repeupla la mer de poissons de toutes sortes.
Il garda son secret et se réjouit que la pêche puisse ensuite reprendre comme au temps de ses ancêtres.
FGA
One Comment
Catherine Dubois
Oh mais que c’est beau !!!!!! Quel joli conte… et quelle belle espérance en toile de fond….