Chango est un géant, né au pays des géants, de parents géants.
Quand il eut dix-sept ans, il commença à s’ennuyer et n’avait qu’une seule idée en tête : explorer le monde.
Ses parents l’imaginaient plutôt pêcheur ou constructeur de maison et négligeaient son ambition.
Chango rêvait de voyages lointains ; un matin de printemps, il prit sa décision. A l’aube, il rassembla quelques affaires, saisit quelques provisions et s’engagea dans le chemin des collines.
Sur la table de cuisine, il laissa ce simple petit mot : « Je vous aime, à bientôt… ».
Chango était curieux de tout et ne craignait pas l’aventure.
Il avait décidé de marcher vers le nord. Il avait bien entendu quelques récits des anciens qui évoquaient à demi-mots de terribles rencontres.
La tribu des géants était installée depuis plusieurs générations dans ce coin de paradis où la nourriture et l’eau abondaient. Nul n’était porté dans de telles conditions à explorer l’univers. Cette harmonie paisible convenait à la plupart des géants mais pas à Chango.
Après plusieurs semaines de marche et de solitude, un matin, en se réveillant, Chango su qu’on l’observait. Il s’assit dans l’herbe et déclencha aussitôt une multitude de petits cris stridents. Chango découvrit qu’il était encerclé par une foule de petits hommes au regard effrayé. Il sourit. Ses yeux pétillaient de joie devant une telle rencontre.
Un premier, puis plusieurs des plus petits hommes s’enhardirent et approchèrent de ses mollets.
C’étaient des enfants qui découvraient un nouveau terrain de jeux. Ils entreprirent aussitôt de grimper sur les jambes du géant. Ils saisirent les poils et se hissèrent. Ils chatouillaient ce géant qui commençait à rire. Certains audacieux arrivaient sur le genou, d’autres faisaient du toboggan le long des pieds.
Chango tendit doucement la main pour recueillir quelques uns de ces explorateurs. Le cercle de la foule qui l’observait s’écarta, pris de panique.
Deux intrépides sautèrent au creux de la main ouverte.
Chango les examina de près : de vrais petits géants en miniature. Il les salua. Les autres firent de même d’un geste de la main. La tension palpable jusque là céda enfin. La foule des petits hommes se mit à parler. Chango ne comprenait rien à cette langue. Soucieux de ne pas effrayer ses nouveaux compagnons, Chango se présenta en murmurant. Les deux enfants jouaient sur les doigts du géant, ils couraient, sautaient, glissaient et recommençaient sans fin.
Comme le cercle s’était rompu, Chango reposa les enfants à terre.
Les petits hommes s’étaient mis en marche, formant une colonne et faisant signe de les suivre.
Chango se leva et s’ébranla avec délicatesse car des pas trop rapides risquaient de faire trembler le sol ou d’écraser la troupe.
Chango fut reçu magnifiquement au village Bimli. On lui apporta de la nourriture, plutôt un petit apéritif pour lui. Le plus grand baquet du village fut rempli d’eau afin qu’il se désaltère, en vérité c’était pour lui un dé à coudre. Chango fut facilement adopté par les Bimli. Il les aida à réparer leurs maisons, à tendre les filets de pêche en travers de la rivière, à arroser les cultures en cinq minutes.
Ce que les enfants comme les adultes préféraient, c’était monter dans le ciel, portés par la main de Chango. Là-haut, la vue était magnifique.
Chango leur appris à se désaltérer en mangeant des nuages. Les enfants aimaient décorer le visage du géant d’une grosse moustache et d’une longue barbe blanche en nuages. Chacun en raffolait. On pouvait aussi les sucrer, les parfumer aux fruits de saison : fraises, cerises, citrons…
Chango était heureux et commençait à parler en Bimbli. Pour cela, il était impératif de prendre la voix la plus aigue possible.
Il souhaita bientôt reprendre le chemin pour faire de nouvelles découvertes…..
On fit de grandes cérémonies d’adieu ponctuées de chants et de danses.
Tout le monde regretterait son aide précieuse et sa gentillesse.
Les enfants n’oublieraient pas ce merveilleux compagnon de jeu, mais surtout ne pourraient plus attraper les nuages et s’en rassasier.
Devant la grande tristesse des enfants Vué, une des meilleures cuisinières du village, décida de faire un gâteau. Elle versa d’abord le sucre dans un grand chaudron. Soudain un violent orage éclata, le récipient, frappé par la foudre, se mit à tourner sur lui-même à grande vitesse, en sifflant légèrement.
L’énergie libérée par l’éclair chauffa le sucre qui par la rotation du bol se transforma progressivement en longs filaments fins blancs flottants dans l’air. Vué, d’abord effrayée et surprise, saisit un petit bâton de bois et enroula les filaments autour. Elle goûta aussitôt : c’était délicieux. Vué appela les enfants qui en voyant le petit nuage formé pensèrent que Chango était revenu.
C’est ainsi que naquit pour la première fois sur terre la barbe à papa car c’est comme cela que Chango nommait les petits délices de nuages en pensant à la barbe de son père.
One Comment
Catherine Dubois
C’est tellement joli…. Je me vois bien raconter cette histoire à mes petits-enfants…